[GN 2012] Le bas peuple

[Tenebrox]

Une fois arrivée à la taverne, l’ombre redevint Jorge, un simple manant. Il s’installa dans un coin de l’auberge. Il venait de réussir une mission difficile et aussi il comptait bien profiter de la paye. Il était content de cette relation avec Prodige, ce jeune Moine Noire allait certainement s’élever dans la hiérarchie et lui rendre ce genre de service assurerait à Jorge un avenir financier certain.

Ainsi occupé à faire des plans sur la comète, il mit du temps à réaliser que l’ambiance dans l’auberge était sinistre. Bien que l’endroit fût plein, les gens parlaient à voix basse. Une maigre buche finissait de se consumer dans l’âtre n’éclairant que faiblement la pièce et la chauffant encore moins. L’absence de bougie et de torche au mur achevait de donner une atmosphère malsaine à l’endroit.

Il appela une serveuse pour lui commander une bonne bière. Une fille maigre et sale au regard vide lui apporta un verre contenant un liquide frelaté.

Jorge commençait à peine à réaliser l’étendu des dégâts causés par la guerre. Ceux qui ne combattaient pas en souffraient tout autant si ce n’est plus que les combattants. En écoutant les conversations il prit conscience du drame de ces gens. Pour quel importance qui gagne ou qui perd, rien ne changera. Ils vivront toujours leur petite vie et continuant leur chemin malgré la valse des puissants.

Seulement la guerre, elle, changeait leurs habitudes et bousculait leur vie. Les armées passaient, pillant la nourriture et violant les femmes. Il ne leur restait plus rien à ces pauvres gens.

C’est là qu’il eu un déclic, une idée qu’il n’aurait jamais du avoir, lui qui servait les puissants pour son profit personnel. Il se rendit compte de l’injustice de la situation et s’en ému. Il décida en son fort intérieur que cela devait changer et qu’il n’était pas acceptable de traiter ainsi d’autres personnes.

Jorge se leva et s’installa debout sur son tabouret. Il frappa un grand coup dans ses mains et une fois qu’il eut l’attention de tous commença à parler.

« Bien l’bonsoir la compagnie. Moi c’est Jorge et j’en ai ma claque de vous voir vous lamenter comme des bonnes femmes. Ouais la guerre c’est dur et moche ! Ouais c’est pas juste qu’on vous pique toutes vos provisions. Ouais c’est pas juste qu’on vous prenne vos fils pour qu’ils aillent se faire trucider pour un truc qui nous touche pas. Ouais c’est pas normal qu’on vous prenne vos femmes et vos filles. Tout comme c’est pas normal qu’on m’serve une pisse pareille alors que j’demande une bonne bière ! »

Joignant le geste à la parole il vida ostensiblement son verre sur le sol. A ce moment là il fut en partie hué par la foule dont il avait manifestement capté toute l’attention.

« Ouais j’sais bien, vous savez pas quoi faire. Du coup vous voilà ici dans c’trou à rat à boire d’la flotte frelatée et à vous dire que c’est pas juste, que ça devrait pas être comme ça. »

Il fit une courte pause pour ménager son effet puis repris d’une voix forte et puissante.

« Et bin moi j’suis bien d’accord avec vous. Et j’peux vous dire quoi faire ! Les autres ils se pensent au dessus de nous parce qu’ils ont une armée ou parce que soit disant ils sont nés nobles. Mais ça veut rien dire tout ça. Tous ensembles vous êtes aussi une armée, et tout comme les soit disant nobles, on dort, on bouffe, on pisse et on chie. Personne ne devrait vous traiter d’la sorte et personne ne devrait se laisser faire d’la sorte. »

Encore une fois il fit une pause pour leur laissé assimiler ses propos. La populace réagit rapidement au discours en confirmant par de grand « ouais » ou « bien dit ». Certains posaient des questions « et comment tu veux qu’on fasse ? » ou encore « qu’est ce qu’on y peut ? ». C’était justement ce qu’attendait Jorge.

« Ecoutez moi mes frères. Je sais bien qu’on nous considère comme des moins que rien, mais il est tant que ça cesse. Vous avez faim ? Vous avez soif ? Et bien moi je sais où on peut trouver tout ça. Si ça vous dit il n’y a qu’une dizaine de gardes, ça sera l’occasion de leur montrer à tous qu’on existe et qu’on est fort. Alors qui vient avec moi. »

La foule réagit par un rugissement d’approbation. Rapidement chacun se muni en torches et en armes puis ils s’en furent dans la nuit.

***

Le capitaine était livide. Il laissa tomber le parchemin qu’il venait de recevoir. Il allez devoir ordonner à ses hommes de marcher toute la nuit pour rejoindre le champs de bataille. L’ennemi avait réussi à prendre le gros de leur force par surprise et ainsi à les forcer au combat. C’était la pire des nouvelles, surtout avec ce ravitaillement qui n’arrivait pas. Les soldats étaient épuisés. Ils avaient besoin de se restaurer avant de partir au feu. Un garde cria soudain : « Homme en vue ! ».

Soulagé, le capitaine se dit qu’il devait s’agir du tant attendu ravitaillement. Mais en observant l’homme venant à leur rencontre il réalisa que ce ne pouvait être le cas et que le type était blessé. Il se porta à sa rencontre et arrivé à sa hauteur, l’homme s’effondra dans ses bras. Il était grièvement blessé et avait du marcher dur pour venir.

« Capitaine…. On… on… est désolé…. On s’est fait…. Argl…. Par surprise…. Des… paysans… »

Puis l’homme expira.