Le petit garçon était allongé depuis près d’un mois, cloué au lit. Les mauvaises fièvres qui l’avaient pris, s’était dissipées depuis une semaine, grâce aux potions de Zorovich, l’herboriste.
Il avait maintenant besoin de repos et avait interdiction de quitter sa couche. Dehors la neige tombait à gros flocons et, bien emmitouflé dans la peau d’ours qui lui tenait chaud, il rêvait d’aventure et d’espace.
Il se tourna vers la vieille ancêtre qui le veillait si souvent. Assise au coin de la cheminée elle fixait l’âtre comme pour en capter la chaleur de ses yeux aveugles.
Elle paraissait avoir cent ans. Jamais il n’avait vu personne si âgée et à ce qu’on lui en avait dit au château, même les plus anciens semblaient l’avoir toujours connue.
Elle connaissait beaucoup d’histoires fantastiques, elle savait les exploits des héros de l’ancien temps, ceux d’avant l’avènement de Syspéole.
-Grand-mère ? Appela-t-il.
L’ancêtre comme tirée d’un sommeil hypnotique tressaillit à l’appel du jeune garçon.
-Qu’y a-t-il petit Seigneur ?
-Le temps est long à s’écouler quand on est couché à toute heure du jour ou de la nuit.
-Je le sais. Répondit-elle. Mais qu’y puis-je ? Le maitre Herboriste a bien dit que vous deviez garder le lit et au prix que votre père a payé, je vous conseille d’obéir ou vous le verrez pester. Il est de bien méchante humeur ces temps ci.
- Ne voudrais -tu me raconter une autre histoire afin de tromper l’ennui?
-Mon bon Seigneur, rétorqua la vieille de sa voix rocailleuse, j’ai bien peur que vous les connaissiez toutes. Que n’ai-je vécu toutes ces années pour qu’en moins d’un mois je n’ai plus rien à vous raconter? N’avez-vous donc pas l’esprit trop plein de tant de contes ?
L’enfant sourit et répondit :
-J’en voudrais encore une, une seule, une dernière s’il te plait.
Grand-mère explora alors la pièce de son regard vide et après un instant, lui dit :
-J’en connais bien une autre mais…Elle marqua un temps d’arrêt.
Il est des histoires qu’il ne vaut mieux pas conter.
Les yeux du gamin s’écarquillèrent et sa curiosité le piqua au vif.
-Oh si Grand-mère ! Raconte moi cette histoire, je t’en prie.
-Soit répondit l’ancêtre, mais ne la répète pas car elle fait partie des histoires qu’il vaut mieux oublier…
Le silence se fit un instant, et après avoir pris une inspiration, elle commença.
-Il y a de cela les siècles et des siècles existait un antique royaume. C’était à l’âge du bronze et de l’airain.
Ce royaume s’appelait Arkoreus. Il était fait de guerriers, tous braves et forts, ne vivant que pour la gloire de la bataille et de la conquête.
En quinze années de guerre, L’empire Arkoréen couvrait tant de terres qu’il s’étendait d’une mer à l’autre. Parmi les chefs tribaux, il en était cinq, plus forts, plus violents et plus conquérants que tous les autres, l’empereur les nommait les Azoréens. Rien ne parvenait à étancher leur soif de pouvoir et de bataille. Ils brulaient, pillaient et tuaient sans distinction, ni discontinuité, s’éparpillant la nuit dans la débauche et la luxure, et reprenant les armes au petit jour.
Mais on ne peut rien contre le temps qui passe, et l’âge les rattrapa. Bientôt, ils furent déclinants. La vigueur leur échappait, la mort était sur leur piste.
Alors ils cherchèrent par delà les terres connues du nord le moyen de prolonger leur vie, prêts à tout pour retrouver leur jouvence perdue.
Pendant près de dix ans, ils écumèrent le nord à la recherche du secret de la vie éternelle et un jour, ils croisèrent la route d’une prêtresse druidique qu’ils couvrirent d’or en échange du secret de l’immortalité.
La prêtresse leur dit que seul la bête mystique pouvait contrefaire la nature et leur indiqua où trouver son antre.
Alors les vieux guerriers allèrent trouver la bête et conclurent un pacte.
De son souffle la Bête fit fondre le métal.
Elle leur forgea à chacun une armure d’airain qui les couvrait de pied en cape.
De son souffle à nouveau, elle leur forgea à chacun une arme, plus brillante que l’or, plus tranchante que l’acier.
Et lorsque que les Azoréens revêtirent leur armure, leur corps fut absorbé et les armures prirent vie…
Ils étaient à présent immortels dans leur corps d’airain.
Mais la bête était fourbe, en échange de leur chaire, elle avait lié leur âme aux armures mais, leur volonté propre avait disparu.
Puis la bête forgea une lame d’airain.
Et la bête dit :
« Ainsi donc Guerriers, vous m’avez demandé la vie éternelle et je vous l’ai accordée, mais le prix que vous aurez à payer sera celui de la servitude. Que celui qui brandira cette lame d’airain ait le pouvoir de commander au cinq guerrier d’Azor, ainsi votre vœu sera exaucé et tant que quelqu’un brandira cette épée, vous continuerez à vivre et à vous battre, tel est le prix de l’immortalité. »
Ainsi pendant des siècles, la lame d’Azor changea de main et les guerriers se battirent soumis aux volontés du porteur de la lame. Puis la lame disparu et l’armée s’endormit, attendant un nouveau porteur.
La prêtresse elle, fut punie pour avoir donné ce secret Impie et parce que son pêché fut grand, elle aussi fut condamnée par ses dieux à l’immortalité, mais également aux ténèbres, condamnée a vivre sans que jamais à nouveau, elle puisse revoir le monde…
La vieille avait depuis quelques minutes la voix tremblante et le gamin observait son vieux visage aveugle couvert de larmes…
Dans l’ombre , personne n’avait perçu la présence de Zorovich qui se tenait à l’écoute sur le pas de la porte, une potion d’herbes médicinales à la main.